Inspiré de l’article de Psychologie magazine : « Reconnaître les pièges de l’hypersensibilité »
Cet article représente pour moi une vraie clés pour les hypersensibles qui se reconnaissent une hyperémotivité handicapante dans leurs relations qui va généralement avec une « hyperréactivité ». A préciser que la palette de l’hypersensibilité est large et toutes les personnes très sensibles ne vivent pas forcément de l’hyperémotivité.
LE HAMSTER DANS LA ROUE DU DRAME
Il m’est mainte fois arriver d’être tellement touchée, déchirée de l’intérieur, face au comportement de l’autre que je sombrais alors dans de longues crises émotionnelles ingérables, passant des heures entières dans la plainte ou la colère voire l’hystérie, comme un hamster enfermé dans sa roue dramatique, incapable d’en sortir, n’arrivant pas à comprendre comment cette personne qui m’aimait pouvait me faire autant de mal…le parfait rôle de la victime. Ce genre de crise résultait terriblement destructrice pour l’autre et pour moi même qui, envahie par la culpabilité, tentait ensuite comme je le pouvais de restaurer une estime personnelle déjà bien entamée. Je me tirais littéralement une balle dans le pied : ma légitime colère de départ se transformais en un volcan dévastateur dont j’étais l’auteur…
Bien sûr on va expliquer cette hyperémotivité par les traumatismes de l’enfance et il est essentiel selon moi d’aller travailler avec un thérapeute sur ces souvenirs « abîmés ». Il ne s’agit cependant pas de se cacher derrière pour justifier des comportements destructeurs. Comme le dit Saverino Tomasella :
« Ce n’est pas parce que l’on est hypersensible que l’on est blanc comme neige et éternelle victime des “méchants”. Les hypersensibles peuvent à la fois se rendre la vie dure et malmener leur entourage. »
Dans ce post j’aborderai le le comment agir sur notre comportemental à l’âge adulte. En effet nombre d’hypersensibles ont déjà travaillé en thérapie sur leurs blessure d’enfance et peuvent constater avec abattement que se perpétuent tout de même des comportements dévastateurs… Le cerveau a pris l’habitude de réagir d’une certaine manière..Les pistes neuronales empruntées sont les mêmes depuis si longtemps, comme des pistes de ski qu’on emprunte depuis des années. Il s’agit d’ouvrir de nouvelles pistes neuronales dans notre cerveau en adoptant de nouveaux comportements, comme on s’entraînerait à une nouvelle technique.
LA CONFUSION INTENSITE/INTENTION : LA REVELATION!!!
Dans l’article, l’auteur évoque l’analyse de Saverio Tomasella sur les intentions biaisées qui m’a complètement éclairée!!! Lui le formule ainsi :
« Deux dangers majeurs les guettent : confondre leur ressenti avec l’intention réelle de l’autre, qu’elle soit positive ou négative ; et confondre empathie et don excessif de soi”
C’est ainsi que, en confondant effet et cause, la personne alourdit sa charge émotionnelle, se méprend sur les intentions réelles d’autrui et s’épuise nerveusement. Et cela plus encore « si ce qu’elle vit comme une agression – et qui en est peut-être une – prend la forme du mot ou du comportement de trop dans un environnement déjà fatigant pour elle »
Révélation pour moi!!! : « Ah bon!? les intentions de l’autre ne sont pas proportionnelles à mon ressenti? ». Je vous donne une exemple personnel : mon amoureux m’a dit un jour qu’il allait me rejoindre à un concert et a oublié. Au lieu de cela, il est allé jouer aux cartes avec ses amis ne me donnant aucune nouvelle, m’oubliant complètement alors que je l’ai attendu presque une heure sur le parking avant le début du concert où je suis finalement allée seule. J’étais teeeeellement blessée qu’automatiquement je me suis dit : il ne peut qu’en avoir rien à faire de moi et être égoïste à l’extrême pour me faire aussi mal….Et j’ai passée la nuit à pleurer et l’accabler de reproches. 2 questions se posent alors :
1.je ressens une profonde douleur mais l’intention de mon amoureux était-elle de me blesser autant? de me blesser tout court?
2.A quoi je réagis? au présent ou au passé? (à un vieux souvenir blessant encore actif en moi?)
Il ne s’agit pas de ne pas exprimer sa contrariété ou sa déception mais il s’agit de le faire avec mesure et le plus d’objectivité possible. Je rejoins là Saverio Tomasella dans l’utilisation de la CNV qui peut aider à formuler notre vécu en parlant de nous et en sortant du reproche (j’en parle plus loin). Mais le volcan d’hyperréactivité nous empêche souvent de passer à cette étape…Il a en général déjà tout englouti sur son passage!!!!
SORTIR DE LA DUALITE : DE LA FAIBLESSE A LA PERFECTIBILITE
Mais que faire de l’étiquette « susceptible » une fois posée? Ce jugement ne risque-t-il pas de renforcer la culpabilité d’une personne qui souvent est passée maîtresse dans l’art de s’auto-flageller? ( une des principales caractéristiques de la personne hypersensible). Celle-ci est bien souvent très consciente du mal qu’elle cause autour d’elle et se cause à elle-même, elle peut même l’amplifier dans son imagination. La culpabilité ne sert pas à grand chose dans ce schéma à part à le répéter indéfiniment. En tous cas ça ne m’a jamais aidé à modifier mes comportements, le couperet du qualificatif enfermant était tombé, on ne pouvait plus rien y faire. Je serais un monstre hystérique toute ma vie durant…..La responsabilité quant à elle permet à l’individu de récupérer son pouvoir personnel.
Notre corps et notre âme constituent le temple qui accueille notre esprit. Ne pas respecter ce temple en se fixant sur ses faiblesses plutôt que sur sa perfectibilité, c’est continuer à s’enfermer dans l’illusion de la souffrance comme instrument de rédemption. (Les 108 paroles du Christ, Daniel Meurois)
Et si l’on tentait de sortir de la vision duelle?Ne peut on pas formuler les choses ainsi :
Dans certaines situations, prise par une intensité émotionnelle hors du commun, cette personne est capable de surréagir. A partir de là on a, selon moi, un levier de changement à notre disposition.
Si elle reconnaît le mécanisme au moment où il se déclenche, la personne hypersensible pourra, au lieu de surréagir au quart de tour, se mettre en retrait pour traiter l’émotion et revenir comme Saverio Tomasella l’évoque à une nécessaire objectivité. Cela demandera peut-être (sûrement!!!) au départ de retenir une pulsion comme un barrage retient une énoooorme étendue d’eau qui pousse fort, mais cela en vaut la peine.
TRAITER L’EMOTION
Attention cependant! La maîtrise émotionnelle diffère de l’hypercontrôle. L’idée n’est pas de se mettre en rétention et dans le déni de ce que l’on vit à l’intérieur, sous peine d’éclater bien plus fort plus tard (je sais de quoi je parle!!!). L’émotion est là pour être vécue, écoutée pas pour y réagir de manière épidermique comme si elle nous possédait. Une émotion nous traverse, nous ne sommes pas elle.
En tous cas que faire concrètement dans l’instant quand on a réussi à s’extraire de la situation avant l’explosion et qu’on bouillonne intérieurement?
1. Accueillir l’émotion
il y a de la colère en moi mais je ne suis pas elle. Mon être profond est toujours intact, lumineux. Je peux accueillir cette émotion sans la juger, l’écouter, la prendre dans mes bras.
2. Traiter l’intensité émotionnelle
Si je suis dans une pièce isolée et que je peux faire du bruit : laisser s’exprimerl’émotion comme une enfant sait spontanément le faire sans forcément chercher à comprendre. Emotion vient du matin moere, il s’agit d’un mouvement de vie à laisser circuler : pleurez ou hurlez dans un coussin, tapez dessus…Les techniques de libération émotionnelles proposées par le Dr Christian Tal Schaller sont en cela très intéressantes à intégrer dans notre quotidien (vous les retrouverez aisément sur Youtube).
L’EFT (Techniques de libération émotionnelle) peut être très utile pour baisser la pression de la cocotte minute quand quelqu’un nous a mis en colère. Je vous partage un exercice proposé par Julien Drouin lors d’uncongé virtuel EFT : tapoter les tempes (méridien vésicule biliaire) en répétant à haute voix l’émotion ressentie (par exemple : « je ressens une immense colère ») sans se focaliser sur la situation, juste sur l’émotion. Puis fermer les yeux, se remettre dans la situation, voir la personne en face de soi et tapoter le point sous la poitrine (méridien du foie relié à la colère). Il s’agit alors, dans sa tête en silence, de faire ou dire à cette personne tout ce qu’on veut, sans restrictions! (vous pouvez même imaginer dire des gros mots, taper cette personne…, cela n’est qu’un film dont vous êtes l’acteur ponctuel), tout cela en tapotant et en respirant profondément jusqu’à apaisement.
3. Le message de l’émotion
Être présent à l’émotion est le point essentiel, il n’y a pas à trop chercher mentalement sa racine. Cependant, il se peut que cet exercice fasse remonter un souvenir de l’enfance encore douloureux sur le même thème. Il peut alors être intéressant de prendre un temps dans les jours qui suivent pour travailler dessus en reproduisant l’exercice pour ce souvenir et tous ceux qui peuvent remonter avec lui! Un travail thérapeutique de libération émotionnelle sur des souvenirs de l’enfance peut être nécessaire à ce stade, à vous de le sentir (seul il peut être difficile de traiter certains souvenirs porteurs de traumas).
Si vous souhaitez en savoir plus sur la signification des émotions, vous pouvez vous orienter vers «Emotions mode d’emploi », l’ouvrage de Christine Petitcollin sur la signification des émotions. Elles sont pour elles des messagers. Par exemple une colère vient nous avertir qu’une de nos limites, une de nos valeurs n’est pas respectée..
Le problème c’est que souvent la situation présente à laquelle on réagit n’est qu’un reflet d’une situation ancienne qui nous a profondément blessé dans l’enfance. A quoi réagit-on??? Cela peut expliquer notre réaction disproportionnée… Une thérapie à ce stade peut être très utile pour traiter une émotion trop intense et récurrente.
Je vous invite aussi à lire le livre de THICH NHAT HANH « Prendre soin de l’enfant intérieur ». Une mine d’or pour prendre dans nos bras nos souffrances en pleine conscience
DU RETOUR A UNE NECESSAIRE OBJECTIVITE
Une fois l’intensité émotionnelle apaisée, la personne va souvent voir les choses sous un autre angle par elle-même.
J’apprécie aussi la proposition de S. Tomasella de soumettre la situation à une personne extérieure de confiance, plus neutre, si on se sent trop envahi par nos conclusions, souvent hâtives, pour avoir un autre point de vue. Cela peut être intéressant que ça soit un thérapeute pour ne pas envahir nos relations amicales de trop de « drame personnel » mais s’adresser ponctuellement à un ami impartial peut être très aidant par moments.
Nous pourrons alors revenir vers l’autre personne et exprimer notre vécu avec plus de compassion et de calme. La Communication Non Violente peut être un outil cadrant très utile pour les personnes hypersensibles dont les idées filent à 100 à l’heure!!! La CNV me permet de synthétiser ce que je veux transmettre sans me perdre tout en sortant du reproche. Cette méthode communicationnelle se base en effet sur l’expression en mode « JE ». Elle invite à observer sans jugement la situation, exprimer ses sentiments et les besoins qui les sous-tendent puis poser une demande concrète. L’expression de nos besoins peut être un agent de reliance immense car les besoins sont universels et nous les partageons avec toute l’humanité. Les chances que l’autre nous rejoignent sont plus grande qu’après un cinglant reproche. Comprendre le besoin de chacun favorise une reliance de coeur à coeur. Par exemple, dans le cas du concert j’aurais pu dire : « je me suis sentie très déçue et en colère quand j’ai vu que tu n’est pas venu à notre rendez-vous et que tu ne m’as pas prévenu. J’ai besoin que l’on respecte nos engagements une fois posés. La prochaine fois que tu souhaites changer les plans que nous avions établis, peux tu me prévenir avant? J’ai aussi besoin de comprendre qui s’est passé pour toi à ce moment là. Peux tu m’expliquer comment tu as vécu les choses?
La susceptibilité n’est pas une fatalité, laissons ce costume aux vestiaire et observons plutôt ces moments où l’intensité émotionnelle nous prend pour savoir y répondre en faisant de notre mieux.
« Ok je respire, l’intention de l’autre n’est peut-être pas aussi violente que mon ressenti en cet instant. Ai-je besoin d’un temps de retrait? »
Et si nous trébuchons et bien prenons nous dans les bras comme nous le ferions avec un petit enfant qui apprend à faire du vélo et tombe 10 fois. Qui sait si la 11ème il n’y arrivera pas?!pour retomber sûrement une autre fois. La vie n’est pas linéaire, il n’y a rien à atteindre, tout se vit dans un moment premier sans cesse renouvelé.